L’égalité des sexes en danger : l’ONU alerte sur un recul mondial aux conséquences économiques et humaines majeures
À l’approche de 2030, date butoir des Objectifs de développement durable (ODD), le constat dressé par le nouveau rapport d’ONU Femmes et du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DESA) est alarmant. Malgré des progrès tangibles dans des domaines essentiels comme l’éducation, la santé et la réforme des droits, le monde reste très loin du compte en matière d’égalité des sexes. Si le rythme actuel se maintient, 351 millions de femmes et de filles vivront encore dans l’extrême pauvreté d’ici cinq ans. Un chiffre glaçant qui illustre l’ampleur du fossé persistant entre les ambitions affichées et la réalité vécue sur le terrain.
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Une égalité qui stagne, une pauvreté qui persiste
Le rapport intitulé « Gros plan sur l’égalité des sexes 2025 » compile plus d’une centaine de sources de données et offre un état des lieux mondial sans détour. Depuis 2020, la pauvreté féminine n’a quasiment pas reculé, restant stable autour de 10 %. Les femmes continuent d’être surreprésentées parmi les populations les plus démunies : sur les 300 millions de personnes vivant dans la pauvreté extrême, plus de 230 millions sont des femmes, dont la majorité se trouvent en Afrique subsaharienne. Cette région concentre à elle seule les deux tiers des cas, conséquence directe d’un cumul de crises économiques, climatiques et sociales.
Les inégalités s’expriment également dans l’accès à l’alimentation. En 2024, 26,1 % des femmes souffraient d’insécurité alimentaire contre 24,2 % des hommes. Cela représente environ 64 millions de femmes de plus confrontées à la faim ou à une nutrition insuffisante. Le rapport prévient qu’une femme en âge de procréer sur trois pourrait être anémique d’ici 2030, une situation qui menace directement la santé maternelle et infantile, tout en freinant les capacités économiques des foyers.
Le prix d’une inaction mondiale
ONU Femmes met en garde contre le coût colossal du recul des droits des femmes. Selon ses estimations, investir massivement dans l’égalité ne serait pas une dépense, mais un levier de prospérité globale : un effort coordonné pourrait ajouter 1 500 milliards de dollars au PIB mondial en seulement cinq ans et générer jusqu’à 342 000 milliards de dollars de bénéfices cumulés d’ici 2050. En revanche, l’inaction coûte des vies, prive des millions de femmes de droits fondamentaux et alimente les inégalités structurelles.
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Le contraste est saisissant : alors que les dépenses militaires mondiales dépassent 2 700 milliards de dollars par an, à peine 420 milliards suffiraient à financer durablement l’égalité des sexes. Autrement dit, en réallouant moins de deux mois de budget militaire mondial, il serait possible de transformer profondément la vie de milliards de femmes et de filles.
Les femmes en première ligne des crises
La décennie écoulée a vu s’accumuler les menaces pour la condition féminine. En 2024, plus de 676 millions de femmes et de filles vivaient à proximité d’un conflit meurtrier, un record depuis trente ans. Dans ces contextes de guerre, la faim, les violences sexuelles, la perte de revenus et le déracinement deviennent le quotidien de millions d’entre elles. Les statistiques révèlent que plus d’une femme sur huit a subi des violences physiques ou sexuelles de la part d’un partenaire au cours de l’année écoulée, tandis qu’une jeune femme sur cinq a été mariée avant ses 18 ans.
Chaque année, environ quatre millions de filles subissent encore des mutilations génitales, souvent avant même leur cinquième anniversaire. Ces pratiques, enracinées dans des traditions anciennes, se perpétuent malgré les campagnes internationales et les législations adoptées dans plusieurs pays. Le rapport rappelle que derrière chaque chiffre se cachent des histoires de souffrance, d’injustice et de déni de dignité humaine.
Les femmes, premières victimes du changement climatique
Les catastrophes naturelles et le dérèglement climatique aggravent encore la vulnérabilité féminine. Inondations, sécheresses et canicules extrêmes forcent des millions de femmes à parcourir de plus longues distances pour trouver de l’eau, à abandonner leurs terres ou à perdre leurs sources de revenus. Le changement climatique pourrait précipiter 158 millions de femmes supplémentaires dans la pauvreté d’ici 2050. Pourtant, elles restent largement exclues des instances où se décident les politiques environnementales ou les stratégies d’adaptation.
Des progrès réels mais insuffisants
Le tableau n’est pas entièrement sombre. Depuis le début du siècle, la mortalité maternelle a chuté de près de 40 %, preuve qu’un investissement soutenu dans la santé des femmes porte ses fruits. Les filles ont désormais plus de chances d’accéder à l’éducation primaire et secondaire que jamais auparavant. L’écart numérique entre hommes et femmes se réduit également : aujourd’hui, 70 % des hommes et 65 % des femmes sont connectés à Internet. Selon l’ONU, combler cet écart numérique d’ici 2050 pourrait sortir 30 millions de personnes de la pauvreté et générer jusqu’à 1 500 milliards de dollars supplémentaires pour l’économie mondiale.
Sarah Hendriks, directrice de la division des politiques à ONU Femmes, rappelle toutefois que ces avancées restent fragiles. Les reculs récents en matière de droits reproductifs, la montée des régimes autoritaires et la réduction du financement des programmes d’égalité menacent de réduire à néant plusieurs décennies de progrès.
Un appel mondial à l’action
Le rapport dresse également un constat préoccupant sur la représentation politique : les femmes ne détiennent encore que 27,2 % des sièges parlementaires dans le monde, et leur présence dans les gouvernements locaux plafonne à 35,5 %. Dans le secteur privé, elles occupent seulement 30 % des postes de direction. Si la tendance actuelle se poursuit, la parité complète ne sera pas atteinte avant la fin du siècle.
À l’occasion du 30e anniversaire du Programme d’action de Beijing, ONU Femmes appelle à un sursaut politique mondial. « L’égalité des sexes n’est pas une idéologie, c’est un pilier de la paix, du développement et des droits humains », rappelle le rapport. Investir dans les femmes et les filles n’est plus une option morale, mais une nécessité économique, sociale et écologique.
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Vers une nouvelle trajectoire mondiale
Li Junhua, Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires économiques et sociales, conclut que des politiques ciblées dans les domaines de l’éducation, des soins, de la transition verte et de la protection sociale pourraient réduire de 110 millions le nombre de femmes vivant dans l’extrême pauvreté d’ici 2050. Cela nécessiterait un changement radical de priorité dans les budgets publics et la gouvernance internationale, mais le rendement humain et économique serait historique.
Le message de l’ONU est clair : le monde dispose encore de la capacité de changer le cours des choses, à condition d’en avoir la volonté politique. Dans une période où les crises s’enchaînent et les inégalités s’accentuent, l’égalité entre les femmes et les hommes apparaît plus que jamais comme la clé d’un avenir durable et partagé.