Les courriels, ces outils si courants dans notre vie professionnelle, pourraient bien cacher une part sombre, insidieuse et largement ignorée. Le sexisme, déjà présent dans d’autres aspects de la vie en entreprise, semble s’infiltrer jusque dans nos messageries, constituant un véritable enjeu sociologique pour le monde du travail moderne.
Le stress numérique, symptôme des inégalités
Une récente étude réalisée par FLASHS pour Hostinger.fr met en évidence les dynamiques sous-jacentes à la gestion des messageries professionnelles. Outre l’aspect technique de la surcharge d’informations, celle-ci est souvent accompagnée d’une pression à répondre rapidement, entrainant un état de stress généralisé chez une large partie des salariés et dirigeants. Plus de 62% des salariés et 75% des responsables de sociétés disent ressentir du stress en se reconnectant à leur messagerie après des congés.
Pour les femmes, cette pression numérique semble être accompagnée d’un stress supplémentaire, celui du sexisme qui s’exprime même dans l’espace numérique. Près de 30% des salariées ont déclaré avoir déjà reçu des mails professionnels au contenu inapproprié, relevant parfois de la séduction ou même de demandes d’informations personnelles. Plus alarmant encore, les plus jeunes salariées sont les plus concernées : 45% des femmes de 18 à 24 ans disent avoir déjà reçu ce type de message.
Une communication biaisée par les rapports de pouvoir
Les femmes évoluant dans des postes à responsabilités ne sont pas épargnées. En effet, 53% des dirigeantes ont déclaré avoir été victimes de remarques remettant en cause leurs compétences via des courriels. Le médium électronique, souvent perçu comme un simple outil fonctionnel, devient un espace où se reproduisent les mêmes rapports de pouvoir que ceux visibles lors de discussions directes. La distance qu’implique le courriel, et l’apparente impunité qu’il offre, semble autoriser certains comportements qui seraient probablement moins fréquents dans des échanges en face à face.
L’étude souligne que ce biais dans les interactions professionnelles ne touche pas seulement les salariées, mais également les dirigeantes, qui sont souvent déconsidérées par leurs interlocuteurs. Les critiques visant le physique ou le caractère sont présentes dans 13% des cas, un chiffre qui témoigne de la persistance de pratiques discriminatoires même dans des échanges professionnels censés être purement techniques.
L’intrusion des émojis et la question de la politesse
Les dynamiques de communication par courriel ne se limitent pas aux contenus explicites. L’étude met également en lumière l’usage différencié des émojis et des formules de politesse dans les mails professionnels. Si l’utilisation de smileys reste une pratique controversée (36% la jugent inappropriée, 31% la trouvent conviviale), il s’avère que cet usage est plus souvent jugé malvenu par les femmes, qui y voient une forme de manque de professionnalisme ou une tentative de minimiser la portée des propos.
Quant aux formules de politesse, celles-ci suscitent des réactions également différenciées. L’absence de formule de politesse à la fin d’un mail est perçue comme impolie par 55% des salariées, contre 46% des hommes. De plus, des expressions comme « Cordialement » agacent plus de 21% des salariés, quel que soit leur genre. On peut s’interroger sur la place de ces réflexions de convenances sociales dans un contexte où l’efficacité et la rapidité sont souvent de mise.
Les mails professionnels : un reflet des inégalités sociales ?
Ce constat soulève une question plus générale sur la nature même des communications professionnelles par mail : celles-ci seraient-elles le reflet fidèle des inégalités présentes dans la société, reproduisant et amplifiant des dynamiques de genre déjà présentes au sein des organisations ? Les chiffres présentés par l’étude sont sans appel : les femmes reçoivent plus de commentaires inappropriés, voient plus souvent leurs compétences mises en doute, et doivent naviguer dans un espace professionnel où leurs interactions sont biaisées par des préjugés et des attentes différentes.
Si le courriel est, à bien des égards, un outil démocratique permettant d’égaliser les rapports hiérarchiques, il est également un espace où se perpétuent des inégalités systémiques. Ainsi, le sexisme dans les mails professionnels n’est peut-être que la partie immergée de l’iceberg des inégalités de genre en entreprise. Les actions à mener pour réduire ces inégalités doivent prendre en compte non seulement les comportements visibles, mais aussi ces dynamiques discrètes qui se jouent dans la messagerie.
Pour prévenir ces dérives, il est essentiel de sensibiliser les employés et employeurs à l’impact de leurs communications, et de mettre en place des lignes directrices claires en matière de respect et de courtoisie dans les courriels. Par ailleurs, encourager une culture d’entreprise où les comportements sexistes sont fermement condamnés est un premier pas vers une véritable égalité dans le milieu professionnel.