La violence économique est une forme de violence insidieuse souvent méconnue du grand public. Elle se manifeste par le contrôle, des ressources financières d’une personne, afin de restreindre son autonomie. Près de la moitié des femmes y sont confrontées au moins une fois dans leur vie, et cette situation peut avoir des conséquences profondes sur leur indépendance, et leur capacité à quitter des situations abusives.
Une prévalence inquiétante
D’après une étude menée par l’IFOP, 41 % des femmes sont touchées par la violence économique au moins une fois au cours de leur vie. Soit près d’une femme sur deux qui ferait face à une situation où elle n’a pas le contrôle de ses finances, et se retrouve contrainte de dépendre entièrement de son partenaire. Cette forme de violence peut prendre diverses formes, allant du refus de partager les ressources communes de manière proportionnelle aux revenus, à la confiscation des revenus personnels, en passant par l’empêchement d’accéder à un emploi.
Des facteurs de risque pour les femmes
La violence économique est étroitement liée aux inégalités de genre et à la dépendance financière. Certaines femmes sont particulièrement vulnérables à cette forme de violence en raison de facteurs de risque tels que :
- L’écart de revenus : les femmes qui gagnent significativement moins que leur conjoint voient leur risque de subir des violences économiques multiplié par deux. Cet écart de revenus les place dans une position de dépendance, facilitant le contrôle financier exercé par le partenaire.
- La dépendance financière : pour les femmes qui ne disposent pas de revenus propres, la dépendance envers leur partenaire constitue une vulnérabilité supplémentaire. Elles se retrouvent souvent à devoir demander la permission pour toute dépense ou ne disposent tout simplement pas de moyens financiers autonomes.
- Les enfants à charge : les femmes avec des enfants sont plus susceptibles de subir des pressions économiques. La responsabilité de subvenir aux besoins des enfants peut être utilisée comme un levier de contrôle par le partenaire, plaçant ces femmes dans une position encore plus précaire.
Ces facteurs montrent comment les inégalités systémiques rendent les femmes plus vulnérables à la violence économique. La société actuelle, avec ses disparités salariales et ses attentes de genre, crée un terreau fertile pour cette forme de violence.
Conséquences multiples et persistantes
La violence économique ne se limite pas à la perte de contrôle sur l’argent :
- Perte d’autonomie financière : le conjoint peut exercer une mainmise administrative, par exemple en gérant exclusivement le compte joint, ce qui prive la femme de tout accès direct aux ressources du couple. Cette perte d’autonomie maintient les femmes dans une position de dépendance envers leur partenaire, compliquant ainsi l’accès à des ressources permettant d’envisager de quitter une relation abusive.
- Contrôle des ressources : le partenaire peut exercer un contrôle total sur les ressources du couple et leur utilisation, décidant seul des dépenses et plaçant ainsi la femme dans une situation de demande constante, et ce même pour les achats du quotidien.
- Privation des ressources : le partenaire peut priver la femme des ressources nécessaires, la plaçant ainsi dans une situation où elle doit demander la permission pour chaque dépense.
- Mise en danger du patrimoine : certains partenaires prennent des décisions financières risquées, comme la signature d’hypothèques ou de crédits à la consommation au nom de la femme, ce qui peut entraîner un endettement et dégrader leur solvabilité.
- Refus de contribuer après une séparation : en cas de séparation ou de divorce, le partenaire peut refuser de verser une pension alimentaire ou dissimuler son patrimoine, rendant encore plus difficile la situation économique de la femme.
Des conséquences profondes qui illustrent à quel point la violence économique est déterminant dans le cycle de la violence conjugale.
La porte d’entrée vers d’autres formes de violence
La violence économique est souvent le point de départ d’un cycle de violence plus large. Selon les études, une femme sur trois ayant subi des violences économiques est ensuite victime d’autres formes de violences conjugales, telles que des violences physiques, sexuelles ou psychologiques. La dépendance créée par le contrôle économique ouvre la voie à ces autres violences, en ayant privé les victimes de leur capacité d’agir pour protéger leur sécurité.
Ce rapport de force est souvent ignorée, car la violence économique, par sa nature moins visible, ne semble pas aussi grave que d’autres formes de maltraitance. Pourtant, elle prépare le terrain et crée un rapport de force rendant l’abus possible.
Obstacles structurels : un manque de soutien systémique
Les femmes sont également confrontées à des obstacles structurels qui renforcent la violence économique et rendent plus difficile la reconstruction de leur vie :
- Les écarts de salaires persistants : en France, les femmes continuent de gagner en moyenne 24 % de moins que les hommes. Cet écart impact directement leur capacité à constituer de l’épargne et à être indépendantes financièrement.
- La discrimination à l’emploi : les femmes rencontrent des difficultés d’accès aux postes à responsabilité et aux promotions, ce qui limite la progression professionnelle et, par extension, la sécurité financière.
- Lois discriminatoires : dans certains pays, les lois limitent encore l’accès des femmes au crédit ou à la propriété. Ces obstacles juridiques rendent les femmes plus dépendantes des hommes dans leur vie.
Ces freins structurels perpétuent les inégalités et facilitent la violence économique.
Impacts à long terme : des répercussions durables
Même après avoir échappé à la relation abusive, les conséquences de la violence économique peuvent continuer d’empêcher et agir comme un cercle vicieux :
- Difficultés financières persistantes : le manque de ressources, les dettes et les faibles économies peuvent rendre la reconstruction très difficile, limitant l’accès à un logement, un emploi stable, et aux soins de santé.
- Perte de confiance en soi : les victimes peuvent éprouver une perte durable de confiance en elles et en leurs capacités à prendre des décisions financières, ce qui complique la réintégration sociale et économique.
- Obstacles à la reconstruction d’une vie autonome : les femmes ayant subi la violence économique sont moins susceptibles de retourner sur le marché du travail, ce qui nuit à leur capacité à retrouver une sécurité et une autonomie personnelle.
Lutter contre la violence économique : quelles solutions ?
Lutter contre la violence économique est essentiel pour promouvoir l’égalité et l’émancipation des femmes. Plusieurs pistes peuvent être explorées :
- Renforcer la législation : il est essentiel que les lois reconnaissent et prévoient des sanctions pour la violence économique. En France, le Code pénal a commencé à inclure la violence économique dans ses dispositions, mais la reconnaissance et la mise en œuvre de cette protection doivent être renforcées.
- Soutien aux victimes : des services spécifiques doivent être développés pour aider les femmes à reconstruire leur vie économique après avoir quitté une relation abusive, comme l’accès à des microcrédits, des aides au logement et des formations professionnelles.
- Sensibilisation : il est nécessaire de sensibiliser le public à cette forme de violence. Des campagnes de sensibilisation et d’information peuvent aider les femmes à reconnaître les signes de violence économique et à demander de l’aide.
La violence économique est une réalité silencieuse mais dévastatrice pour de nombreuses femmes. Elle ne se limite pas à un simple contrôle financier : elle est un outil de domination qui prépare le terrain à d’autres formes de violences et limite la capacité des femmes à se libérer des relations abusives. Pour la combattre, il est essentiel de renforcer les lois, d’améliorer le soutien aux victimes et de sensibiliser la société à cette forme de violence et éduquer le plus tôt possible nos enfants à l’indépendance financière.