Femmes battues : « Face aux violences, il faut agir sans attendre »

Luc Frémiot, avocat général à la cour d’assises de Douai, a été au cœur du procès d’Alexandra Lange. Dès 2003, il a mis en place un dispositif visant à lutter contre les violences intrafamiliales.

Pourquoi avoir plaidé l’acquittement d’Alexandra Lange ?

« J’ai estimé que les critères de la légitime défense étaient remplis : un danger immédiat pour sa vie et une réponse proportionnée à l’agression. Il n’y a eu qu’un coup de couteau, pris de manière aléatoire sur une table de cuisine. Sur le plan subjectif, après des années d’abus, de violences, de viols et de menaces de mort, Alexandra ne pouvait qu’être persuadée qu’elle était en danger ce soir-là. »

Vous avez initié un dispositif à Douai pour protéger les victimes de violences domestiques. En quoi consistait-il ?

« Le premier volet était de privilégier les plaintes aux mains courantes, afin de déclencher une enquête systématique. Ensuite, il était impératif que les auteurs de violences quittent le domicile conjugal pour être placés dans un foyer d’accueil, permettant aux victimes de rester chez elles. Enfin, il fallait un accompagnement psychologique simultané des deux parties. À l’issue de cela, le parquet décidait soit d’un classement sous conditions (notamment participer à des groupes de responsabilisation), soit d’un renvoi devant le tribunal. »

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Quels résultats avez-vous observés ?

« En trois ans, le taux de récidive a chuté à 6 %. Les plaintes ont augmenté considérablement, et les communications à travers les médias ont brisé le silence. De plus, nous avons constaté une réduction notable de la gravité des violences. »

Quelles avancées législatives avez-vous trouvées essentielles ?

« La loi du 9 juillet 2010 a apporté des progrès importants. Elle a créé le délit de harcèlement psychologique et de violences morales, des aspects cruciaux. Cette loi introduit aussi l’ordonnance de protection, qui permet d’évincer l’agresseur du domicile conjugal en saisissant rapidement le juge des affaires familiales. »

Quels sont, selon vous, les axes d’amélioration ?

« Il nous manque cruellement des centres d’accueil pour les auteurs de violences. Ils doivent être pris en charge afin de réfléchir à leurs actions et prévenir les récidives. Si nous ne traitons pas la cause, nous ne verrons pas de résultats durables. Je pense qu’un dispositif similaire pourrait être utile pour les auteurs de violences sexuelles. »

Comment voyez-vous l’évolution sociétale face à ces violences ?

« Pendant longtemps, les violences conjugales étaient perçues comme relevant de la sphère privée. C’est inacceptable. Dès qu’il y a violence, il est impératif d’intervenir. Il y a toujours des témoins, des proches qui sont au courant, et leur rôle est crucial. Pourtant, aujourd’hui encore, ces violences continuent de prospérer dans l’indifférence. »