AccueilBien-êtreDépression post-partum : un enjeu de santé publique méconnu

Dépression post-partum : un enjeu de santé publique méconnu

La dépression post-partum est un trouble mental grave qui touche environ une mère sur six et un père sur vingt dans les deux mois suivant la naissance d’un enfant. Souvent confondue avec le baby-blues, cette pathologie se distingue par sa durée, sa gravité et ses symptômes. La dépression post-partum reste largement sous-diagnostiquée, avec des conséquences graves pour les mères, les enfants, et les familles. Malgré son importance en termes de santé publique, cette maladie est encore méconnue et mal prise en charge dans la société. Le dernier rapport de Biogen, coordonné par le cabinet Pergamon et publié à l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale, met en lumière la complexité de cette pathologie et propose des solutions concrètes pour améliorer la prise en charge des personnes concernées.

Une maladie souvent minimisée

La perception de la maternité est souvent empreinte d’une image idéalisée, où la grossesse et l’accouchement sont synonymes de bonheur et d’accomplissement. Pourtant, pour beaucoup de parents, cette période est source de bouleversements émotionnels importants. La dépression post-partum, qui peut survenir pendant la grossesse ou après l’accouchement, est un trouble complexe qui va bien au-delà du baby-blues, cette phase transitoire de tristesse et de sautes d’humeur qui touche une majorité de femmes après la naissance. Contrairement au baby-blues, la dépression post-partum peut durer plusieurs mois et se manifeste par des symptômes tels qu’une tristesse intense, des troubles du sommeil, des idées suicidaires, et une incapacité à s’occuper de soi et de son enfant.

Selon les experts, la sous-évaluation de cette maladie est en partie liée à la façon dont la société considère la maternité. La dépression post-partum est souvent perçue comme une simple conséquence des changements hormonaux liés à l’accouchement, et non comme une pathologie à part entière. Ce manque de reconnaissance retarde le diagnostic et la prise en charge, laissant les parents dans une grande détresse, parfois sans soutien approprié. Seules 40% à 50 % des dépressions périnatales (1) sont actuellement diagnostiquées, selon le rapport de Biogen.

« La connaissance de la dépression post-partum reste insuffisante, faute de diffusion d’un message de prévention simple et exhaustif sur le sujet. Les personnes concernées n’ont notamment pas forcément conscience qu’elle peut toucher tout le monde, et se manifester par des symptômes très variés. »

Mahalia Coujitou, membre du collectif Femmes de santé, directrice d’hôpital, créatrice du compte instagram @post.partie

Les conséquences pour les familles

Les conséquences de la dépression post-partum sont nombreuses et ne concernent pas seulement la mère. Le bien-être du bébé et des autres membres de la famille est également affecté. Une mère souffrant de dépression post-partum peut éprouver des difficultés à créer des liens affectifs avec son enfant, ce qui peut avoir un impact à long terme sur le développement émotionnel et cognitif de celui-ci. Cette pathologie touche également les co-parents, qui peuvent eux-mêmes souffrir de dépression, souvent dans l’indifférence générale. Une étude récente révèle qu’un père sur vingt (2) est atteint de dépression post-partum, soulignant l’importance de considérer cette maladie dans son entièreté familiale.

Le suicide est désormais la première cause de mortalité maternelle en France, devant les maladies cardiovasculaires. Ce chiffre alarmant illustre l’urgence de mieux détecter et traiter la dépression post-partum pour prévenir les tragédies. Malheureusement, la prise en charge est souvent insuffisante, faute de coordination entre les différents professionnels de santé. Le rapport de Biogen insiste sur la nécessité d’améliorer la coordination des soins et de renforcer les compétences des praticiens impliqués dans le suivi des mères et des enfants.

Une meilleure coordination des soins pour une prise en charge adaptée

Le parcours de soins périnatal est aujourd’hui un élément clé dans la prise en charge de la dépression post-partum, mais il reste perfectible. Le rapport présente plusieurs étapes essentielles pour faciliter le repérage et la prise en charge de la dépression périnatale, comme le plan des 1 000 premiers jours et l’expérimentation Référent Périnatalité (RéPAP). Cependant, ces dispositifs doivent être complétés et améliorés pour offrir un accompagnement adapté et plus accessible aux familles. L’une des propositions majeures du rapport est d’inclure le co-parent de manière systématique dans les entretiens post-natals précoces, afin de s’assurer que le lien parent-enfant se développe de manière sécurisante et pour sensibiliser le co-parent à l’importance de sa propre santé mentale.

Le renforcement de la formation des professionnels de santé est également crucial pour une meilleure détection de la dépression post-partum. Le rapport appelle à former non seulement les sage-femmes et les médecins généralistes, mais également les autres professionnels susceptibles d’être en contact avec les jeunes mères, comme les kinésithérapeutes, ostéopathes et pharmaciens. La coordination entre ces différents acteurs est primordiale pour garantir une prise en charge efficace et rapide.

Des mesures pour une meilleure sensibilisation

La dépression post-partum reste encore mal connue du grand public, en partie à cause du tabou qui entoure la santé mentale. Le rapport préconise de faire de la dépression post-partum une priorité dans le cadre de la Grande Cause Nationale sur la santé mentale en 2025, afin de sensibiliser le plus grand nombre aux enjeux liés à cette maladie et de lutter contre la stigmatisation. Il recommande également de créer une campagne de communication nationale, portée par des témoignages de parents touchés par cette maladie, pour expliquer les symptômes, les ressources disponibles et encourager les familles à consulter sans hésitation.

La sensibilisation permettrait d’éviter de passer à côté de la dépression post-partum et de mieux informer les futurs parents sur les risques qu’ils encourent. L’éducation à la santé mentale devrait commencer dès l’adolescence, notamment à travers des cours sur la reproduction qui aborderaient la santé mentale périnatale. Cette mesure contribuerait à créer une société mieux informée et plus prête à accompagner les femmes et les familles dans cette période difficile.

La dépression post-partum est un enjeu de santé publique majeur qui nécessite une meilleure reconnaissance et une prise en charge adaptée. Les efforts actuels des pouvoirs publics et des experts de santé mentale doivent être renforcés pour combler les lacunes dans le diagnostic, la prise en charge et la coordination des soins. En sensibilisant davantage le public et en intégrant des mesures concrètes pour améliorer le parcours de soins, nous pourrons mieux soutenir les mères, les co-parents et les familles touchées par cette pathologie.

(1) [Ministère des solidarités et de la santé, Les 1000 premiers jours, là où tout commence, 2020.
Page 77.]

(2) [Doncarli Alexandra, Tebeka Sarah, Demiguel Virginie, Lebreton Elodie, Deneux-Tharaux Catherine, Boudet-Berquier Julie, Apter Gisèle, Crenn-Hebert Catherine, Vacheron Marie-Noëlle, Le Ray Camille et Regnault Nolwenn, « Prévalence de la dépression, de l’anxiété et des idées suicidaires à deux mois post-partum : données de l’Enquête nationale périnatale 2021 en France hexagonale », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 2023.]

Rapport sur la depression post-partum Biogen, coordonné par le cabinet Pergamon

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